La convention des goujats
Tu l'as compris, public-chéri-mon-amour, j'ai tergiversé, j'ai procastiné.
Parce que vraiment, je ne savais comment te présenter cette convention à laquelle j'ai.. euh... participé cette semaine. Pourtant, ça vaut son pesant de M&M's ! Je m'en vais donc être très
factuelle [et me permettre quelques commentaires entre crochets...] Ne t'attends pas à te bidonner, tes abdos ne souffriront pas... mais
je tenais à te faire part de cette tranche de vie professionnelle.
Pour rappel -ou info-, je suis assistante de directeur bilingue anglais. Présenté comme ça, ça en jette, mais ça n'est que le titre de mon Curriculum Vitae [je précise "de directeur" plutôt que "de direction" depuis que j'ai vu, lors d'un entretien dans une agence d'intérim, une nénette se présenter en tant que
"de direction" pour un poste de télévendeuse. c'est que je tiens à éviter l'erreur de casting]
Mon job à moi, c'est être celle qui rend la vie plus facile à un directeur, être son bras droit, son
aide, son auxiliaire [pas sa nounou, ni son infirmière, faut pas pousser] travailler en bonne intelligence avec son équipe, pousser la bureautique à l'extrême pour faire des
tableaux Excel et des préz sexy et efficaces [voui, un tableau peut être sexy, si je te le dis] être rottweiler pour les enquiquineurs, et
presqu'agréable pour ceux qui ont l'aval du manager, etc. etc.
Présentement, je suis l'assistante personnelle de la directrice fonctionnelle d'une grande boite rennaise [et c'est pas fastouche d'être une
femme dans un monde masculin et machiste] Ma zénitude professionnelle et mon sale caractère fort lui conviennent. Mais le
job ne me convient pas du tout [tu vas vite comprendre le pourquoi du comment] C'est donc une mission d'intérim
qui se terminera dès que ma remplaçante sera trouvée.
Allez, je te raconte ze convention !!!
Mardi 16h50 - J'apprends que je dois concaténer une préz pour une convention qui se tient le lendemain et pour laquelle ma cheffe enchaîne les réunions
depuis lundi après-midi [qu'est-ce qu'une préz, me demandes-tu... c'est une présentation sous format PowerPoint, des slides qui défilent sur un
écran à partir d'un laptop, devant un parterre de gens éminemment intéressés] Voici donc 3 managers devant mon burlingue, à me dire faites-ci, faites-ça, ça-comme-ci,
ça-comme-ça, tout-de-suite-là-maintenant et moi-d'abord.
Rapidement, je calme ces messieurs en leur faisant poliment [mais fermement... le côté rottweiler, s'pas] savoir que ma cheffe est l'unique
personne qui définit mes priorités. Tu le croiras jamais... aucun d'eux n'a apprécié, dis donc! [mais moi, je bichais... faut bien
les calmer de temps en temps, c'est bon pour leur ego]
Mardi 17h25 - Ma cheffe m'informe qu'elle a décidé que j'assiste à la convention. Enfer ! Je hais les conventions. Et en plus, je ne vois absolument pas ce que je peux faire
à celle-ci... Elle m'assure que si. Bon d'accord [article UN: Le Chef a toujours raison, article DEUX: si le chef a tort, appliquer
l'article UN]
Mardi 18h - La nénette qui gère l'intendance de la convention arrive dans mon bureau, me file la paperasse et commence à me décliner ses recommandations. Je la calme
illico [lénifiante, je suis] mon principe est que les participants sont de grands garçons. Je veux bien m'occuper
des détails d'organisation [caler les pauses, le déjeuner, veiller à ce que les petites salles pour les ateliers soient prêtes, comptabiliser les
participants aux déjeuners, etc.] mais pas du confort et des états d'âme. nanmého
Ce qui est très très rigolo, c'est que la convention se déroule sur le même site où AC avait
le mariage de ses copains [clic]
Mercredi 11h - Je suis à l'heure au RdV pour la réunion préparatoire. Ma cheffe aussi. Ces messieurs arrivent tranquillement avec une heure de retard et sans un
mot d'excuse. La convention doit débuter à 14h. Je fais ce pourquoi on m'a fait venir: les modifs de dernière minute sur la préz, cette image plus grande, ce tableau plus petit, un rond
rouge ici, le titre en noir, etc. [sans aucune prétention déplacée, c'est comme si tu faisais venir Christian Lacroix pour te coudre l'ourlet du
pantalon de ton tailleur]
Mercredi 13h - Déjeuner des managers, auquel ma cheffe m'a très gentiment conviée. Nous sommes 7 à table, y compris le muffle dont je t'ai déjà causé [clic] arrivé très en retard. Le cadre est vraiment plaisant, la nourriture délicieuse et très joliement présentée, le service très classe. Ce
qui me permet de positiver ce moment. Car figure-toi qu'aucun de ces messieurs ne m'adresse la parole! Oui, tu as bien lu: aucun ne me parle, ni boulot, ni de la pluie, ni du
beau temps [pourtant, y'a de quoi dire]. Ma cheffe répond à deux questions que je lui pose mais prend bien garde à ne pas me faire participer
à la conversation. En milieu de repas, nous ne sommes d'ailleurs plus que 6: le muffle qui dirige ce grand groupe a quitté notre compagnie et continue son repas en parlant fort au
téléphone, installé à une autre table.
Mercredi 14h - Le show commence. Tous les participants sont installés à la table en U, sauf deux retardataires, et moi. Eh non, pas de place prévue pour l'assistante.
Ce qui ne me pose absolument aucun problème: je suis dans un coin dans la grande salle de 110 m², élégamment vautrée dans un fauteuil en cuir! J'essaie de m'intéresser aux
discours des managers mais je t'avoue avoir beaucoup de mal avec les mots grossiers et les formules vulgaires [mon côté bégueule... ou le
résultat d'une éducation dont Mère et Granny peuvent s'enorgueillir] C'est que ces messieurs se font fort de copier l'attitude de butor de celui qu'ils admirent tous [imagine un peu comme ça leur ferait bizarre si leurs subalternes se permettaient un tel langage]
Mercredi 16h - Ma cheffe fait sa partie pendant que le muffle tient une conversation au téléphone à voix forte et sans considération aucune pour ceux qui l'entourent.
Mercredi 16h30 - On m'informe qu'on n'a plus besoin de moi, que je peux disposer. Okay, je repars au siège [je totalise une journée
de 9h30, les intérimaires apprécieront] A mon retour, les collègues de l'étage guettent ma réaction [petits canaillous, va]
Jeudi 8h50 - Voui, j'y retourne [pro jusqu'au bout des z'ongles, d'ailleurs vernis d'un rosé de bon aloi] Je m'installe
dans le fauteuil en cuir. Las ! Un des managers m'interpelle "Mettez-vous là, en bout de table, j'aurais peut-être des notes à vous donner" [le
bonjour est en option, le jeudi?] Un autre manager me lance "Ah non, pas là, c'est ma place" [confirmé, le bonjour est bien en option le
jeudi] No problemo, la MiC est zen, la MiC est payée à l'heure, et la MiC a eu sa dose de chocolat [double dose, même, la MiC fut
précautionneuse]
Jeudi 9h - Restitution des ateliers [okay, j'essplik : les participants à la convention ont travaillé l'après-midi dans des petites
salles pendant que leurs directeurs papotaient dans les fauteuils en cuir réfléchissaient à la stratégie d'entreprise] A la seconde
intervention d'un conventionné, le manager de la division se lève et grogne: "Pas de réflexion, pas de commentaire, sinon on y arrivera pas". Puis il se fait fort d'interrompre
tous les intervenants au point que l'agenda est dans les choux en 3/4 heure. Je n'ai aucune note à prendre, je grabouille, je dessine un peu. J'entends "Il fait froid ici" lancé par un des
charmants personnages du repas de la veille. Je traduis "MiC, auriez-vous l'obligeance de bien vouloir fermer la porte-fenêtre?" [tiens, si
j'inscrivais TRI-lingue sur mon CV ?]
Jeudi 11h - Pause. Je sors, m'éloigne un tantinet et découvre un potager adorable, où sont produits la plupart des ingrédients servis aux menus de ce restaurant
[vais-je attendre que George ou Gary passent pour revenir?]
Jeudi 11h20 - Ma cheffe m'informe que finalement, on n'aura pas besoin de moi et que je peux disposer.
Jeudi 11h30 - Ma cheffe me hèle sur le parking, elle se demande si finalement, ça ne vaudrait pas le coup que je reste. Je lui réponds avec un grand sourire calme que c'est elle
qui décide... mais que là, je retourne au siège.
Fin de la convention - pour moi.
Je sais, je sais bien que tout ceci est une norme qui serait acceptable. Mais hélas pour les managers qui ont suivi, j'ai eu l'occasion de travailler pour le meilleur boss qui soit...
[un Breton, hihihi] et j'ai un ou deux principes dont celui-ci: "Qui que tu sois, rien ne t'autorise
à t'économiser d'être poli et gentil car tu n'es qu'un être humain parmi les autres"
PS : le crobard là-haut, c'est un de ceux que j'ai grabouillés. Ben tu sais quoi, je m'en vais reprendre les cours de dessin, moi.
Complément d'info suite au commentaire de Waldo [pour celles & ceux qui
n'épluchent pas les commentaires... petits paresseux, va]
Va pas croire, public-chéri-mon-amour, je ne suis pas à plaindre.
Figure-toi que je fonctionne par opposition: plus ils s'excitent, plus je suis calme - plus ils sont malpolis, plus je suis charmante - plus ils crient et claquent les portes, plus je parle
doucement [et ça les agace, mais ça les agaaace]
J'ai beau cumuler les défauts -femme, subalterne et intérimaire- je reste d'une zénitude professionnelle exemplaire. Je ne m'autorise aucun commentaire déplacé,
mais tu peux compter sur moi pour avoir le sourcil relevé, le regard comme il faut quand il faut.
Ça sert à ça, aussi, surtout, la bonne éducation : te les renvoyer dans leurs buts rien qu'au langage du corps.
Et ça, la MiC, elle sait bien faire [et comme il n'est aucun retour possible, je bois du petit lait]